Véritable lieu d’émulation artistique, l’Université Jean Moulin mène une politique culturelle intense, depuis son installation au sein de la Manufacture des Tabacs en 1993. Arts visuels, arts plastiques, écriture, théâtre, danse et musique s’y côtoient, et participent en ce sens au développement du riche potentiel artistique du lieu.
Dans cette perspective, l’Université œuvre à ce que les étudiants, les enseignants, les chercheurs, les personnels administratif et technique, et plus globalement, les membres de la communauté universitaire, bénéficient d’un accueil et d’un cadre propice à l’expérimentation et à la créativité. L’Université s’inscrit régulièrement dans des évènements culturels internationaux et territoriaux de renom (Journées Européennes du Patrimoine, Biennale d’art contemporain, Biennale Hors Norme, Fête des Lumières etc.) et accueille depuis maintenant dix ans des artistes en résidence, en résonance à la convention-cadre “Université, lieu de culture”, qui vise à replacer les universités et les étudiants au coeur de la politique culturelle. Elle a ainsi eu l’honneur d’héberger les œuvres de nombreux artistes, parmi lesquels : Thierry Bazin, Jean-Marc Scanreigh, Marie Auger, Catherine Ursin, Ahtzic Silis, T.Léo, Sabine Li, Pascal Courcelles etc., et valorise son engagement en offrant aux artistes un espace de vie et d’échange.
Découlant de ces multiples passages, une collection d’art contemporain unique s’est progressivement constituée, et associe aujourd’hui productions des artistes en résidence et donations privées. En tant que première collection universitaire en France, la collection de l’Université Jean Moulin Lyon 3 se compose d’œuvres plastiques comme audiovisuelles, et prend place à la Manufacture, dans la Bibliothèque universitaire, dans les cours Nord & Sud, au restaurant universitaire ou encore sur la façade. Nous vous proposons ici de découvrir ou de redécouvrir quelques-unes de ces œuvres, qui toutes participent à l’identité artistique et culturelle de la Manufacture des Tabacs.
Pêle-mêle d’artistes…à la Manufacture des Tabacs
Josef CIESLA
Né en 1929, d’origine polonaise et arrivé en France à l’âge de 4 ans, Josef Ciesla étudie à l’École Supérieure de Tissage de Lyon puis à l’Académie des Beaux-Arts. Il occupe ensuite un poste de salarié dans l’industrie du textile, avant de quitter cette fonction en 1968 pour se consacrer à sa passion pour l’art. Au début de sa carrière, le critique d’art René Déroudille soutient tout particulièrement son œuvre, et favorise, en 1970, l’obtention de sa première commande publique pour le Conseil général du Rhône.
S’ensuivent alors plus de 75 réalisations monumentales, installées dans de nombreux lieux publics comme dans des entreprises privées. Si les sculptures de Josef Ciesla sont particulièrement reconnues, sa production est très diversifiée : peinture, dessin, estampes, textile, mobilier. Ses œuvres évoquent toutes l’indépendance prise par l’artiste sur les mouvements artistiques de son temps, au travers d’une lutte avec et contre la matière et au travers de l’utilisation de matériaux variés : l’acier en priorité, mais aussi le bois, la pierre, l’émail, le textile, le bronze…
En étroite collaboration avec l’architecte Albert Constantin, Josef Ciesla souligne une première fois l’architecture de la Manufacture avec la sculpture monumentale Welon, “le voilier de l’imaginaire”, qui orne la cour Nord comme symbole du passage de la connaissance cachée à la connaissance révélée. Puis il marque définitivement l’identité du lieu avec la sculpture ornant la fontaine de la cour Sud, Empreintes & Résurgences, dont les formes d’airain et les jets d’eau cachés et jaillissant rendent hommage à la vie clandestine du résistant Jean Moulin.
Welon, Josef Ciesla, 1994 © David Venier
Empreintes et résurgences, Josef Ciesla, 2006 © David Venier
T. LÉO
Artiste plasticien originaire de Loches et aujourd’hui basé à Saint-Pierre-des-Corps, T.Léo est à l’origine de créations éclectiques, souvent inspirées de la mythologie grecque et tout particulièrement des mythes d’Actéon et de Scylla, des points de départ récurrents dans son œuvre.
À l’occasion de la 8e Biennale Hors Normes, T.Léo proposait à la Manufacture des Tabacs deux installations plastiques, qui transforment aujourd’hui encore le visage du campus. Alors que Le jour d’après représente des figures souffrantes et solitaires regardant les étudiants passer et les interrogeant, La meute réinterprète le mythe d’Actéon et place au rang de protagoniste la meute de chiens ayant dévoré Actéon, changé en cerf par Artémis après qu’il l’ait surprise prenant son bain. Libérée du personnage d’Actéon, la meute devient ici personnage à part entière, et incarne à l’université notre part de bestialité, domptée par l’acquisition des savoirs. T.Léo en disait que “ces chiens déboulent, dans un contexte assez politique” faisant de cette œuvre une image de la sauvagerie domestiquée, et questionnant par la même occasion les limites de notre docilité.
Le jour d’après, T.Léo, 2019 © David Venier
La Meute, T.Léo, 2019 © David Venier
Jean Marc PETIT, alias SCANREIGH
Né en 1950, Jean-Marc Petit, alias SCANREIGH, est un artiste français d’origine alsacienne. Après des études inachevées en physique-chimie, il entreprend une activité de postier afin de garantir son indépendance financière, puis se lance en autodidacte, dans les années 70, dans une activité artistique proche de l’abstraction américaine. S’il réalise des dessins et estampes, sa peinture, premier médium qu’il investit, se caractérise par l’usage de techniques mixtes sur des supports multiples (châssis, bois de récupération…). Il incarne ensuite une démarche plaçant à égalité les matériaux, les gestes créatifs et l’œuvre finale, et traduit par là son influence du mouvement «Support/Surface».
Les neuf œuvres de Scanreigh, réalisées dans les années 90 et acquises par l’Université grâce à une donation du collectionneur lyonnais Gilles Blanckaert, font désormais partie de la collection permanente d’art contemporain exposée dans la Bibliothèque universitaire de la Manufacture. Elles témoignent d’une phase d’expérimentation stylistique durant laquelle l’artiste donne vie à ses recherches par l’association de diverses techniques et couleurs, sur des toiles de sa fabrication.
Le texte dans le bois, Scanreigh, 1993 © David Venier
Une croix à son visage, Scanreigh, 1994 © David Venier
Alain GUILHOT
Architecte lumière de renommée internationale, Alain Guilhot éclaire et sublime le patrimoine mondial d’hier et d’aujourd’hui. En tant que membre fondateur de la Fête des Lumières de Lyon, il contribue depuis à métamorphoser la ville grâce à ce qu’il appelle la “magie de la lumière, vecteur de culture, de communication artistique et médiatique”. En effet, il tient, dans ses prestations, à rendre hommage avec justesse, respect et humilité, à l’architecture contemporaine comme aux bâtisseurs du patrimoine mondial.
Parmi ses 3 000 réalisations, Alain Guilhot a réalisé, à l’occasion de la Fête des Lumières de 2007, un spectacle époustouflant sur la façade de la Manufacture des Tabacs, qui n’a plus quitté le bâtiment depuis. Ainsi, bien au-delà de toute notion d’éclairage public, d’illumination ou d’événement, ses œuvres expriment pour lui la magie de la lumière mise au service du patrimoine, de la beauté de l’architecture et de l’histoire de nos villes.
Création lumineuse réalisée à l’occasion de la Fête des Lumières de 2007. © Alain Guilhot
Catherine URSIN
Artiste plasticienne, poétesse et performeuse, Catherine Ursin développe son art autour de plusieurs disciplines, de la gestion picturale à l’expérience de la performance, et toujours en plaçan le “corps” au cœur de son œuvre.
A l’origine de diverses manifestations à la Manufacture des Tabacs, expositions, fresques ou performances, Catherine Ursin travaille à faire entrer en interaction les différentes formes d’art qu’elle traverse, et donne un sens à cette interdisciplinarité en la mettant en résonance avec le système universitaire, qui propose de la même manière tout un panel de formations en sciences humaines et sociales. On retrouve ainsi, aussi bien dans ses œuvres picturales que dans la trace laissée de ses expériences performatives, un corps dessiné, sculpté, séxué, violenté, torturé, mais aussi et surtout en mouvement perpétuel. Entre brutalité et bienveillance, Catherine Ursin investit l’espace et brise les frontières de représentation, ne conservant que la profondeur des ocres et du noir. Elle projette sa peinture comme une tentative de guérison, en puisant son énergie dans les échanges artistiques.
Sans titre, Catherine Ursin, 2021 © David Venier
Victor VASARELY
Victor Vasarely (1906 – 1977) est un artiste austro-hongrois, naturalisé français en 1961. S’il entame d’abord des études de médecine, il s’intéresse rapidement au Bauhaus et étudie à l’académie Podolini-Volkmann puis à l’école Mühely, surnommée “the hungarian Bauhaus” auprès de Sandor Bortnyik. En 1930, il s’installe en France avec sa femme et débute sa carrière en tant qu’artiste graphiste dans des agences publicitaires. C’est au cours de cette période qu’il réalise sa première grande production, Zebra, considérée aujourd’hui comme la première œuvre du courant Pop art. Il cherche alors, à travers son art, à explorer le mouvement virtuel, la déformation de la forme, les effets miroirs et les illusions d’optiques. Après s’être essayé au cubisme et au surréalisme pendant la guerre, il s’engage définitivement dans l’abstraction après en avoir eu la révélation en 1947.
Le duo de peintures de Victor Vasarely, intitulées Sans Titre et exposées dans la Bibliothèque universitaire de la Manufacture, illustrent parfaitement ses recherches, qui mèneront à terme à l’avènement du mouvement artistique Op’art ou art optique. En écho au travail des constructivistes abstraits, Vasarely associe ici les formes géométriques rondes et carrées au contraste de couleur entre noir et blanc. Les formes géométriques s’y assemblent, s’emboîtent et se combinent, donnant l’illusion du mouvement de l’espace et permettant la création d’un espace abstrait et géométrique. Vasarely développe ainsi son propre modèle d’alphabet plastique, amené à être compris par tous.
Sans Titre, Victor Vasarely © David Venier
Pascal COURCELLES
Artiste plasticien belge né en 1956, Pascal Courcelles est spécialisé dans le travail de la matière, à mi-chemin entre sculpture et peinture. A douze ans, influencé par sa mère, il entame des études d’art, puis prend progressivement conscience de son talent et poursuit volontairement sa formation dans plusieurs écoles d’art (Tournai, Bruxelles). Il obtient en 1984 sa première exposition individuelle à la galerie Amok, opportunité qui signe le début de sa carrière, puis est distingué au Prix de la Jeune Peinture en 1985. Ses premiers travaux sont influencés par le Pop art, et s’expriment sous la forme de collages où se superposent différentes matières : sables, cire, plâtre, ou encore peinture à l’huile. Puis il se détache de ce mouvement pour approfondir le concept de “peinture matière” aux teintes plus joyeuses et lumineuses, un travail qui deviendra la signa-
ture de l’artiste.
Riche de multiples influences, le travail de Pascal Courcelles reste marqué par le travail d’Yvan Theys sur la peinture épaisse et l’expressionnisme, comme en témoigne son œuvre Les racines sont dans la nature, tableau majeur de la collection de Lyon III exposé dans la Bibliothèque universitaire et actuellement en cours de restauration. L’œuvre illustre en effet la technique de palimpseste pictural développée par l’artiste, qui consiste en la superposition de couches épaisses de peintures à l’huile donnant à la matière son aspect charnel. Elle fait aussi écho à la sensibilité contemplative de l’artiste, qui s’inspire régulièrement dans son œuvre de la manière dont les fleurs et l’eau captent la lumière.
Les racines sont dans la nature, Pascal Courcelles, 2006-2010 © David Venier