Une journée à l’usine
Commencé en 1912, le chantier de construction de l’usine à Monplaisir ne s’achève qu’en 1932. L’usine comporte différents ateliers permettant de transformer les feuilles de tabacs en cigarettes, cigares, scaferlatis et rôles, plus particulièrement de la marque Gauloises. Ce sont ainsi plus de 4000 tonnes de scaferlatis et de cigarettes qui sont produits chaque année.
En 1933, la manufacture emploie 264 hommes et 308 femmes répartis dans les différents ateliers. Au vu du contexte de l’époque, les femmes sont assignées aux tâches qui demandent le moins d’effort. Ils travaillent 6 jours sur 7 de 7h à 16h avec une pause de 45 minutes au réfectoire pour un salaire journalier de 5,36 francs pour un homme et 3,34 francs pour une femme, soit l’équivalent d’environ 20 euros pour un homme et 13 euros pour une femme.
Le chemin du tabac
Le tabac arrive par train ou camion
sous forme de balles dans les espaces de déchargement situés
au sous-sol (CD). Il est ensuite stocké dans des tonneaux appelés
boucauts avant d’être transféré vers les étages supérieurs grâce à des monte-charges situés dans les pavillons d’angle.
1937, Joseph Clugnet
Dans les étages, le tabac subit différentes opérations dont l’écabochage (A), la torréfaction et le hachage (D) durant lesquelles il passe de feuille à cigarette. Les produits finaux sont ensuite empaquetés dans les magasins du deuxième étage (B) où se trouvent les emballages et les vignettes. Enfin, les produits finis descendent au rez-de-chaussée dans la salle des expéditions (G) qui donne directement sur le quai de déchargement de la cour sud prévu pour les camionneurs.
Typologie des produits autour du tabac :
Jette un coup d’œil aux fiches zoom en dessous pour plus d’informations !
Les opérations de préparation (1)
L’écabochage
Les feuilles de tabac arrivent à l’usine sous forme de paquets de 15 à 20 feuilles séchées liées ensemble au niveau de la tige appelés manoques. La première étape consiste à sectionner la tête des manoques pour qu’il ne reste que les feuilles et les tiges : c’est l’écabochage.
L’époulardage
Il faut ensuite délier les manoques. On secoue d’abord les feuilles pour faire tomber le sable et la poussière qu’elles retiennent. Puis on sépare les feuilles pour les trier dans différents paniers placés autour de l’ouvrier ou de l’ouvrière : un pour recueillir les plus belles feuilles qui serviront de robes pour les cigares, un second pour les feuilles destinées à confectionner les rôles et un dernier pour les feuilles les plus abîmées qui serviront à faire du tabac en poudre pour les cigarettes et les scaferlatis.
Les opérations de préparation (2)
La mouillade
Pour leur rendre leur souplesse et faciliter leur manipulation, les feuilles sont trempées dans une solution d’eau et de sel marin : c’est la mouillade. On superpose des lits de feuilles que l’on arrose les uns après les autres avec une dissolution de sel afin d’empêcher la fermentation et d’éloigner les insectes. Le sel est la seule substance étrangère introduite dans le tabac.
Au début, cette étape se fait par un traitement à la vapeur dit Vapeur-Eau-Vapeur (VEV). En 1971, une chaîne plus moderne est installée et permet un traitement dit Mélange-Mouillade-Hachage (MMH).
L’écotâge
Une fois les feuilles assouplies, on les écôte c’est-à-dire qu’on arrache la nervure centrale pour ne garder que les côtés des feuilles.
Les opérations de traitement
Le hachage ou le râpage
Selon le type de produit que l’on veut obtenir on hache ou on râpe les feuilles de tabac. Pour les scaferlatis, les feuilles sont hachées en brins fins tandis que pour les cigarettes, elles sont râpées pour en faire de la poudre. Étape autrefois manuelle, à la manufacture de Lyon, elle est effectuée par des machines à vapeur qui actionnent des lames. Il suffit de régler l’espacement pour obtenir un hachage ou un râpage.
Le hachage ou le râpage
La torréfaction est une opération qui a un double but : rendre impossible la fermentation et accentuer les arômes. À la manufacture de Lyon on utilise la machine Rolland qui est un cylindre métallique horizontal chauffé par un feu. Le tabac haché ou râpé y est introduit par une des extrémités et y est brassé par des lames. Dans le cylindre, un courant d’air sec est envoyé, qui avec le mouvement et l’eau contenue dans les feuilles permet de faire monter la température à un maximum de 100 degrés. Quand il y a assez de tabac torréfié, deux trappes s’ouvrent sous le cylindre et le tabac tombe dans un panier placé en dessous.
Le séchage
Après la torréfaction, le tabac contient encore beaucoup d’humidité. Il est donc séché dans des séchoirs dont la température oscille entre 16 et 20 degrés.
La confection et l’empaquetage
La confection
À partir du tabac traité, on confectionne cigarettes, scaferlatis ou rôles. Pour ce faire, le tabac est acheminé jusqu’aux différents ateliers et machines à confectionner. Ce travail est généralement réalisé par des femmes.
- Pour les cigarettes, le tabac râpé en poudre est enveloppé dans une feuille de papier très fin sous forme de cylindre.
- Pour les scaferlatis, le tabac haché en fines lanières est assemblé en petit paquet.
- Pour les cigares et des rôles, des feuilles de tabac sont enroulées et torsadées avant d’être enveloppées dans une feuille entière appelée «la robe».
L’empaquetage
Enfin, on conditionne le produit fini dans l’emballage prévu à cet effet, sur lequel sont précisés le nom et la marque du produit.
d’empaquetage des cigarettes, vers 1930 / Photographie : Archives municipales de Lyon
La fabrication du tabac à Lyon
À partir de 1932, la manufacture des tabacs de Montplaisir débute pleinement son activité industrielle grâce à l’achèvement de ses travaux, bien que l’exploitation du site intervienne dès 1927. Cette même année, les cigarettes et scaferlatis confectionnés à Lyon, grâce à la manufacture de Perrache, représentent 1936 tonnes de tabacs. Elle se place au treizième rang de la production nationale parmi les vingt-deux sites présents sur le territoire français, derrière Riom (3701 t.), Nantes (3066 t.), Dijon (2491 t.) ou encore Toulouse (2339 t.).
En 1933, soit une année après le début de son fonctionnement à plein régime, la nouvelle manufacture permet à la ville de Lyon de se hisser à la deuxième place en atteignant les 3796 tonnes. En 1971, soit un peu moins de quarante ans plus tard, ce chiffre a presque doublé en passant à 6700 tonnes, totalisant la fabrication de plus de 2 780 millions de cigarettes et 3332 tonnes de scaferlatis. Toutefois, l’usine sous le contrôle de la SEITA (Société d’Exploitation Industrielle des Tabacs et Allumettes), cesse sa production à partir de 1988 pour être revendue deux 2 ans plus tard à la Communauté urbaine de Lyon afin de mettre les locaux à disposition de l’Université Jean Moulin Lyon 3.
Cet arrêt est causé par la diminution progressive de la consommation de tabac depuis le milieu des années 1970, dues notamment à la multiplication des études épidémiologiques prouvant sa toxicité, apparues dès les années 1950, aux campagnes contre le tabagisme, ainsi qu’à l’augmentation croissante de son prix. Il en résulte la fermeture successive des usines de tabac en France, dont la seule qui subsiste de nos jours est à Furiani (Corse) et ne produit que pour la consommation locale.